LA VOIX – 10 mars 2008
Trinidad a inauguré samedi la deuxième édition du festival «Humour pour la paix» au CCRN
De Clodette à Gallette
Pouvoir se délecter en public de l’humour de Trinidad un 8 mars, Journée internationale de la femme, est un privilège que beaucoup de femmes en particulier ont goûté avec une jubilation non dissimulée et force éclats de rire.
De quoi parle le spectacle de l’humoriste, cocassement intitulé La conversion de la cigogne ou de l’avantage de naître avec le sens de l’humour dans un milieu hostile? Des tourments d’une petite fille, née de parents espagnols échoués en France, qui part sur les traces de ses ancêtres «à armures et à sac à dos», et par ricochet, sans le savoir, à la recherche de soimême.
Un récit initiatique que Maître Dong, le voisin de palier de Trini, paraphraserait par ce proverbe chinois: «Qui pisse dans la lunette retrouve ses ancêtres.»
Ce conte-miroir commence à la petite enfance, plongeant le spectateur dans le milieu hostile d’une mère peu aimante, «obsédée par le ménage», assurément «baptisée à l’eau de Javel Lacroix bien sûr». Petite Trini, trop irrévérencieuse aux yeux de cette mère fort pieuse, se prend des baffes à tout bout de champ depuis sa naissance. Son tort? Etre une fille. Très vite, Trini se réfugie dans un monde parallèle où Cloclo, «son idole survoltée», règne en maître et lui inspire un rêve: devenir Clodette. Jusqu’au jour où son soleil s’éteint. Et d’apparaître alors sur scène dans la peau d’une adolescente à nattes, mal dégrossie, en larmes, pour raconter comment avec ses copines elle a rendu un dernier hommage à Cloclo devant toute l’école, en short Coq sportif. «Je n’ai été Clodette qu’une seule fois dans ma vie, et encore, à titre posthume. (…) Quand votre avenir dépend d’une ampoule et que vous vous retrouvez au chômage avant même d’être pubère, ça fait réfléchir.»
La suite n’est pas triste, entre mamie Carmen qui la prévient que «Le monde entier est un phallus, il est impossible de s’asseoir» et qui l’encourage à mettre en avant ses attributs pour appâter le prince charmant – ce qui dans la vie ne l’empêchera pas de confondre pendant dix ans Robert avec Redford «Tout ça c’est la faute des contes de fées» –, et maître Dong, son voisin de palier, qui entre deux tasses de thé lapsang souchong et des séances d’acuponcture, a fini par recoudre ses blessures en distillant ses petites phrases toutes philosophiques: «Bois petit mille-pattes, qui pisse la nuit éclaircit sa vie. (…) Le bonheur ce n’est pas de ressembler aux autres, mais d’abolir la distance qui nous sépare de nous-même.»
Et Trinidad à son tour, ovationnée en fin de spectacle par un public conquis, d’inciter les spectateurs à entrer en paix avec euxmêmes et à méditer cette missivecarte postale: «Ta vie a la couleur avec laquelle tu la peins.»
LA VOIX N°23 – Sonia da Silva